Parole aux familles et enseignants confinés

Plus de 12 millions d’élèves sont scolarisés dans les écoles, collèges et lycées de France. Le confinement brutal a déclenché une refonte provisoire de l’enseignement. Chacun a dû s’adapter à cette nouvelle organisation. Je te propose aujourd’hui, et dans les jours à venir, une série de portraits de familles et d’enseignants, qui s’activent pour assurer la continuité pédagogique de cet enseignement.
Elodie et Romain, employés en alternance
Qui êtes-vous ?
Elodie et Romain, parents de 3 enfants de 16, 10 et 4 ans. Nous sommes employés dans la métallurgie, respectivement en tant qu’Auditrice qualité et Dessinateur Projeteur. Nous avons décidé de faire la garde des enfants par alternance, chacun travaille une semaine pendant que l’autre s’occupe de la marmaille. Impossible de télétravailler pour nous deux.
Comment gérez-vous la scolarité des enfants ?
Nous avons choisi de décaler légèrement les journées, de 10h à 18h environ. Nous gardons toujours du temps en milieu d’après-midi pour que les enfants puissent aller se défouler dans le jardin, quand la météo le permet. Cette organisation permet d’étaler la semaine sur 5 jours, au lieu de 4 quand les cours se passent normalement.
Nous utilisons les outils en ligne pour suivre les classes et les devoirs (Pronote pour le plus grand, Ecole Directe pour les 2 plus jeunes). Les premiers jours ont été délicats ; problèmes de serveurs informatiques saturés, organisation entière des établissements à revoir, cours à transcrire en documents numériques… Mais maintenant la machine semble rodée, au moins au niveau primaire/collège. Nous imprimons en moyenne une vingtaine de pages/jour, entre les devoirs, les leçons et les tests. Ce n’est pas vraiment écologique, mais hélas nécessaire.
Dans les classes de nos plus jeunes, les professeurs ont su travailler leurs méthodes pour fournir des emplois du temps par matière, ce qui facilite grandement notre tâche. Certains enseignants ont plus de mal que d’autres avec l’outil informatique, mais dans l’ensemble, ça fonctionne. Même en maternelle, la communication avec les maîtresses, au travers d’un blog, se fait très bien.
En ce qui concerne le lycée, à l’heure actuelle, il n’y a eu que peu de devoirs/leçons. S’agissant d’une classe de Première, avec le chamboulement que l’on a connu en début d’année (réforme du BAC, mise en place des spécialités), peut-être que les profs estiment que les élèves plus âgés peuvent se débrouiller ? En tout cas le cahier de texte est quasiment vide, le peu de leçons reçues sont des vidéos piquées çà et là sur internet. C’est assez déstabilisant, cet écart de travail d’un niveau à l’autre.
Des galères éventuelles ?
Premièrement, la quantité de travail des premiers jours nous a surpris. Des dizaines de pages à imprimer, dans chaque matière. Les devoirs qui arrivaient en masse, souvent de manière désorganisée, chaque prof mettant les documents là où il veut/peut. L’organisation des premiers jours a été sportive, le temps que tout le monde trouve ses marques.
Deuxièmement, avec l’évolution des méthodes et des programmes, en tant que parents on se rend rapidement compte que l’on est dépassé dans certaines matières. Nous n’avons pas non plus les mêmes compétences, l’un étant plus littéraire (anglais, français,…), alors que l’autre a un esprit plus scientifique. Et encore, ça va bien jusqu’au niveau collège. Au-delà, on est littéralement largués. Mais étrangement, celle qui est le plus gourmande en terme de temps et d’énergie est notre dernière de 4 ans, pour qui les « cours » sont déguisés en jeux. Canaliser cette énergie sur un exercice tout en le transformant en quelque chose de ludique, tourne rapidement au parcours du combattant.
Votre vision du métier de prof a-t-elle changé depuis la mise en place de l’école à domicile ?
Il est facile parfois de critiquer les enseignants. Aujourd’hui que l’on est à leur place, on comprend que ce n’est pas un métier si évident. Là où nous nous occupons difficilement de 3 enfants, eux en ont 30 par classe en moyenne, souvent plus. Les cours sont préparés, les devoirs donnés, nous n’avons qu’une partie infime du travail de prof entre nos mains et c’est déjà difficile. L’énergie physique et mentale que cela demande est conséquente, au point d’en être presque heureux de retourner travailler pour décompresser de la maison…
Quelles conclusions en tirez-vous, après 10 jours de confinement ?
En tant que parents, nous aurions fait de mauvais professeurs ! Nous avons juste assez de patience pour 3 « élèves » quelques heures par jour, pas de copies à corriger, pas de cours à préparer, tout est mâché pour nous faciliter la tâche.
Notre conclusion sur les professeurs, quel que soit le niveau dans lequel ils exercent, est qu’ils ont un métier difficile, souvent mal perçu. On espère que l’épreuve que nous traversons changera la perception de ce métier trop souvent décrié.
Difficile de conclure aussi tôt sur le système scolaire, les résultats de la scolarisation à domicile nous donneront plus de réponses quand l’orage sera passé. Il y aura certainement des leçons à tirer de cette situation, entre autre l’accès à l’informatique pour les plus modestes, l’organisation dans les familles nombreuses, les méthodes d’apprentissages, etc.
Un grand merci à Elodie et Romain, qui ont pris le temps de répondre à mes questions.
Si toi aussi tu veux témoigner, n’hésites à me contacter !