Carcasse futile

L’Urbex est un diminutif de l’anglais Urban Exploration. Cette exploration de lieux abandonnés me fascine, et l’on me demande souvent pourquoi . Chacun a ses raisons. L’adrénaline, l’histoire, la curiosité, l’interdit ou l’art. Ces lieux peuvent également être visités pour le vandalisme ou pour se mettre à l’abri, mais ce n’est plus de l’exploration.
Futile
L'orage fait suinter son sang Le long de sa carcasse éphémère Grignotée par le temps Elle gît, paisible et austère
L'Homme qui l'avait fait naître L’a délaissée pour une plus belle Rongée par l'abandon Elle s'éteint, silencieuse et frêle
Je vous en parle aujourd’hui, après la découverte d’une série inspirante sur Arte, Urbex Rouge. 8 épisodes nous plongent dans un lieu abandonné du communisme de l’URSS. Dans chaque épisode, ces ruines sont un prétexte pour l’exploration d’une époque révolue, à travers le prisme du regard d’un artiste ou un activiste local. Ces témoins de notre époque, racontent l’histoire du lieu, ce qu’il représente à leurs yeux, et leur vision de leur pays d’aujourd’hui.
Pour un adepte de l’Urbex, chaque exploration fait surgir beaucoup d’interrogations. D’abord sur l’histoire du bâtiment, sa construction, sa vie, son évolution. On peut se demander qui l’a construit, pourquoi, comment, à quelle époque, dans quel contexte. A la manière d’un archéologue, d’un autre niveau évidemment, qui décortique et analyse les trouvailles d’une fouille.
Puis, les questions se portent sur la raison de l’abandon. Une faillite, un décès, une délocalisation. Comment en est-on arrivé à délaisser un bâtiment construit par des hommes et des femmes ? Comment cet abandon a-t-il été perçu ? Ce n’est finalement pas anodin. Un bâtiment industriel par exemple, lors de sa fermeture, est abandonné au même titre que les employés. Ceux-ci se retrouvent privés de leur travail, et d’une page de leur vie. Cette ruine représente donc davantage qu’un simple édifice.
Suivant la durée écoulée entre l’abandon et l’exploration, la nature recouvre petit à petit la construction de l’homme. Cette réalité nous ramène à notre condition éphémère. En peu de temps, les murs en béton ou en brique se fissurent à cause des infiltrations d’eau, les toits tombent sous le poids des tuiles, le bois se décompose et le métal se transforme en poudre. Les arbres naissent au milieu des débris et les racines se fraient un chemin sinueux à travers les dalles. La nature retrouve ses droits, là où l’homme l’avait au préalable envahie. On se sent fragile devant ce spectacle, et l’on se rend compte de l’empreinte laissée par nos activités. Lorsque l’on en a terminé avec un lieu, il devient inutile et trop coûteux à détruire, comme un mouchoir jetable enterré dans un terrain vague après avoir été jeté à la poubelle. Est-ce une allégorie de notre société de consommation ?
On se demande souvent quelle est la limite entre la réalité et l’imaginaire, dans ce décors apocalyptique. Certains, comme Urbex Session, trouvent leur inspiration dans ces lieux. Ils en profitent pour raconter leurs propres histoires, drôles, inspirantes ou qui font frémir. D’autres font des photographies inspirantes, comme Jonk, Thomas Windisch.
De temps en temps, on découvre des lieux saccagés. Les fenêtres ont été brisées volontairement, les meubles retournés, chaque cloison détruite sans ménagement. Je ne comprends pas pourquoi certains ont cette rage en eux, et ont ce besoin viscéral de détruire, juste pour l’acte. Je n’en connais pas la raison, mais finalement, il est sûrement préférable qu’elle soit dirigée contre un bâtiment qui ne servira plus à personne.
Attention, je ne vous incite pas à cette pratique dangereuse et interdite, bien évidemment.
Voici une activité que j’aurais voulu explorer, peut être un jour